';

Entretiens


Marilou Poncin — À nos corps et intimités futur.e.s

16 JUI 2024
Lila Meghraoua

Depuis 2016, l’artiste plasticienne Marilou Poncin interroge – à travers un travail photographique, vidéo, mais aussi pictural et de céramique – la mise en scène du corps féminin (What girls are made of, Plastic Heat, Welcome to my room ou Let out the inner bitch). Dans Liquid love is full of ghosts, elle imagine des instants charnels permis ou croisés avec des objets technologiques. L’installation multimédia est présentée aux Rencontres de la photographie d’Arles, du 1ᵉʳ juillet au 29 septembre 2024. 

© Pauline Pastry – Portrait de Marilou Poncin

Les fantasmes et l’amour constituent le fil d’Ariane qui traverse votre travail. Vous avez mis en scène le corps féminin, celui des camgirls et des love dolls. Pourquoi cette fascination ?

Le fantasme convoque la puissance de notre imaginaire. Il illustre aussi cette capacité que nous avons à nous projeter dans des histoires fictives à travers un support papier ou technologique. Il se développe pour de multiples raisons : que ce soit pour combler un manque, se faire du bien, se projeter dans des relations. C’est très puissant et réparateur. 

Ce rapport que nous avons aux fantasmes raconte la société dans laquelle nous vivons. Nous cherchons des échappatoires au réel qui sont de plus en plus accessibles (à mesure des avancées technologiques, ndlr). Quant à l’amour, cela m’intéresse, parce que c’est universel. L’amour est un concept qui nous habite tous – âges, origines et corps confondus.

© Marilou Poncin – Liquid love is full of ghosts, 2024, installation vidéo. Galerie Laurent Godin, comédien Hugues Jourdain, vidéo 3

Vous évoquez la réparation. La dimension du soin se retrouve aussi dans l’installation présentée aux prochaines Rencontres de la photographie d’Arles.

Absolument, j’y présente dans une installation multimédia les relations amoureuses et charnelles d’individus avec des objets technologiques. C’est une manière de prendre soin d’eux, mais aussi de se reconnecter à leur corps, à leur sensualité, malgré cette solitude induite par nos vies urbaines. J’imagine par exemple qu’on pourrait reproduire le toucher de la peau d’une autre personne à travers des écrans mous. 

© Marilou Poncin – Liquid love is full of ghosts, 2024, installation vidéo. Galerie Laurent Godin, comédienne Charlotte Graccio, vidéo 2

L’ambiance fait penser aux films de David Cronenberg. En projetant vos représentations dans un avenir proche, est-ce une manière de suggérer des possibles ?

Oui, c’est tout à fait l’idée. J’explore des possibles et j’espère aussi montrer sans jugement toutes les pressions que subissent nos corps. Je me pose en observatrice de situations fictives qui s’inspirent fortement du réel. C’est comme une fiction spéculative du devenir de nos relations charnelles et amoureuses.

© Marilou Poncin – Liquid love is full of ghosts, 2024, installation vidéo. Galerie Laurent Godin, comédien Frédéric Radepont, vidéo 1

Pour l’exposition Futures of love (Magasins généraux, Pantin, 2019), vous montriez des camgirls confinées dans leur chambre, quelques mois seulement avant le confinement. Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Je suis comme une éponge à matières et à références. Dans mon travail, je m’affaire à montrer ce qu’on ne voit pas trop dans le monde sacralisé de l’art contemporain : les travailleuses du sexe, la pornographie, nos moments de solitude et de vulnérabilité, nos intimités. Je souhaite ne pas faire de hiérarchie entre les sujets et les figures que je mets en scène. Je peux aussi bien être influencée par la téléréalité que par le cinéma d’auteur, ou bien par des fruits écrasés sur le trottoir dont les couleurs se mélangent bien, ou des cartes postales kitsch dont le montage est intéressant.

© Marilou Poncin – Welcome to my room (Inès Chabant, Régina Demina)

 

Liquid Love is Full of Ghosts
Galerie Laurent Godin, 36 bis rue Eugène Oudiné, 75013 Paris
du 10/09/2024 au 26/10/2024
Vernissage samedi 7 septembre 2024